Il faisait presque nuit. Les rayons du soleil venaient de disparaître derrière les quelques arbres peuplant l'île sur laquelle se trouvait Eywa, retirant de la surface de l'eau du lac les quelques ondulations orangées et brillantes, ne permettant plus de reflet du monde. La brise caressait les plantes, les feuilles des arbres et le pelage de la louve grise.
Eywa attendait. Ses membres tremblaient. Entre l'excitation et la crainte, sentiment qu'elle était incapable de s'expliquer, elle attendait Zadelf.
Son frère...
Elle était toute petite lorsqu'il était parti. Elle n'avait pas compris à l'époque pourquoi il avait quitté la meute des Sheyennes, et ne le comprenait toujours pas. Beaucoup de souvenirs étaient flous, sauf ceux qu'elle avait partagé avec son frère. Elle revivait alors deux scènes comme si c'était arrivé la veille :
Ils jouaient sur la rive du lac, comme chiens idiots, ils roulaient dans le sable, s'éclaboussaient en courant dans l'eau, arrachaient ou découpaient l'herbe alentour. Elle avait levé la tête pour voir sa mère, allongée non loin au soleil, le museau entre ses pattes et les paupières mi-closes.
Il partait, ses membres longs, fins, et secs, étirés vers l'horizon. Sa queue ne se balançait pas, il ne se retournerait pas. Il n'exprimait rien, ne ressentait rien. Il l'abandonnait... Il partait entre les arbres, vers leurs coulisses sombres et froides, mystérieuses. Il partait dans le soir, et il disparaissait derrière les sapins, pour ne plus revenir...
Elle avait entendu Piki revenir, elle l'avait sentie... et aussi l'odeur de son sang. En tant que générale elle s'était précipitée pour voir ce qui avait bien pu se passer. Attaquée sur son propre territoire. Eywa devait régler le problème très vite, ou elle perdrait de sa crédibilité en tant que tête des armées. Elle avait courut, et dérapé comme une furie en arrivant d'un seul coup devant la scène.
Piki, en sang, blessée à la gorge, suivie de son petit, plus qu'inquiet, et à côté...
Elle l'avait reconnu. C'était lui, aucun doute, les souvenirs étaient trop forts pour avoir pu l'oublier. Heureusement ils ne l'avaient pas vue, mais elle était certaine que Zadelf l'avait sentie, il avait tourné la tête vers elle alors qu'elle fuyait...
Elle savait aussi qu'il viendrait la retrouver tôt ou tard. Il la trouverait à son odeur, et à ses souvenirs. L'île était leur parfait terrain de jeu.
Elle attendait, le regard plongé dans l'obscurité des profondeurs du lac. Ça... Oui...
*C'est bien son odeur...*
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